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Ode Pellissier

La conquête de l'Algérie (1830 - 1871)

Alban Pellissier

Chapitre 1: La contrée et les moeurs de ses habitants

Les lecteurs nous sauront d'autant plus gré de cette digression que nous ne ferons que rapporter les propres paroles d'une de nos illustrations scientifiques, le célèbre astronomes Arago qui en 1806, reçut du gouvernement la mission de continuer la mesure du méridien de Dunkerque à Barcelone; mesure qui devait servir de base à l'établissement du nouveau système des poids et mesures. Cette grande opération géodésique avait été interrompu par la mort de Méchain.

Par suite des événements politiques, Arago fut obligé de quitter furtivement l'Espagne en 1808 et le 3 Août de la même année, il débarquait à Alger. Nous laissons ici la parole à arago lui-même, en supprimant toutefois quelques détails qui n'ont aucun rapport avec le sujet qui fait l'objet de cette digression!

"Nous arrivâmes, dit Arago, en vue d'Alger le 3 Août 1808. Nos regards étaient anxieusement dirigés sur le rivage pour guetter la réception qui nous y attendait. A peine entrés dans le port, un espagnol avec un ton d'autorité qui nous fit croire que c'était un haut fonctionnaire de la Régence, posa au commandant de notre bateau cette question:

-Qu'apportez vous?
-Quatre français, répondit le commandant.
-Vous pouvez les remmener, je vous défends de débarquer!

"Comme notre intention était de ne pas obéir à son ordre, il s'arma d'une perche à amarre de se mit en position pour essayer de nous frapper. Immédiatement un marin Génois monta sur un bateau voisin et, s'armant d'une rame en frappa notre assaillant. Pendant ce combat animé, nous débarquâmes sans opposition. Nous avions conçu une singulière idée de la manière dont se faisait la police sur la terre africaine.

"Nous nous dirigeâmes vers la maison du Consul Français, Monsieur Dubois Thaiville qui nous reçut ainsi que sa famille avec la plus grande amitié et nous offrit l'hospitalité. 

"Le lendemain le Consul s'occupa de nous procurer un passage à bord d'une vaisseau de la Régence qui devait aller à Marseille. 

"Le moment du départ étant arrivé, nous nous rendîmes à bord le 31 Août. L'équipage du vaisseau n'était pas complet. Le Capitaine, dont les titres était Raï-Brahim-Ouled-Mustapha-Goja, s'étant aperçu que le Dey était sur sa terrasse et craignant un châtiment s'il ne se hâtait de mettre à les voiles, compléta son équipage au moyen des oisifs qui étaient sur le port, et dont la plupart n'étaient pas matelot.

"Ces pauvres gens demandaient pour toute faveur, la permission d'aller informer leurs familles de ce départ précipité et de prendre en même temps quelques vêtements. Le Capitaine restant sourd à leurs demandes fit lever l'ancre.

"Ce vaisseau fut pris par les espagnols, et après quelques temps d'une captivité pleines d'émouvantes péripéties, Arago, s'embarqua de nouveau pour Marseille le 28 Novembre 1808? Déjà, on apercevait les blanches maisons qui couronnent les hauteurs de la ville, lorsqu'un coup de mistral d'une violence extrême renvoya le vaisseau vers le sud!

Nous laissons encore une fois la parole à Arago:

"Je ne sais quelle route nous suivîmes, car j'étais couché dans ma cabine, en proie au mal de mer.

"Je puis donc, quoique astronome, avouer sans honte qu'au moment où nos pilotes inexpérimentés, prétendaient que nous étions vers les îles Baléares, nous débarquions le 5 Décembre à Bougies!

"Là, on nous assura que pendant les trois mois d'hiver, toute communication avec Alger, au moyen de petits bateaux appelés "Sandales", était impossible. C'est avec peine que je dus me résigner à faire un aussi long séjour dans un pays qui, à l'époque était presque un désert.

"Je faisais un soir ces tristes réflexions, quand un coup de fusil parti de la côte, vint frapper le bateau près de l'endroit où je me promenais. Cette circonstance fit maître en moi l'idée d'aller à Alger par terre.

"Le lendemain, accompagné de Monsieur Berthémi et du capitaine Spiro Calligero, je me rendis chez le Caïd et lui dis que je désirais aller à Alger par terre. Cet homme effrayé s'écria:

-Je ne puis vous permettre d'entreprendre un pareil voyage. Vous seriez certainement assassinés en route; votre Consul porterait plainte au Dey, et celui-ci me ferait trancher la tête!
-Soyez sans crainte, lui dis-je, je vous donnerai une quittance.

"Elle fut immédiatement rédigée en ces termes:

"Nous, soussignés, certifions que le Caïd de Bougie nous a fortement dissuadés d'entreprendre le voyage d'Alger par terre; nous assurant que nous serions infailliblement assassinés sur notre route, que malgré ses représentations réitérées vingt fois, nous aovns persisté dans notre projet. Nous prions les autorités algériennes, principalement notre Consul de ne pas le rendre responsable des événements qui peuvent arriver. Nous répétons encore une fois, que ce voyage a été entrepris contre sa volonté.

"Signé: Arago et Berthémi".

"Ayant donné cette déclaration au Caïd, nous nous considérions comme entièrement quitte envers ce fonctionnaire, mais il vint à moi, saisit, sans dire un seul mot, le noeud de ma cravate, l'arracha et la mit dans sa poche. Tout cela se fit si vite, que je n'eus pas le temps ni même l'intention de la réclamer.

"A l'issu de cette conférence, je passais un marché avec un prêtre mahométan, qui nous promit de nous conduire à Alger pour la somme de vingt piastres fortes et un manteau rouge. La journée fut employée à nous déguiser tant bien que mal et, le lendemain, nous partîmes accompagnés de plusieurs matelots maures appartenant à l'équipage du vaisseau, après avoir montré au prêtre mahométan que nous n'emportions pas un sou avec nous, de sorte que si nous étions assassinés en route, il perdrait inévitablement toute récompense!

"Au commencement du jour, nous vîmes sur la route deux Kabyles, dont le dur aspect nous donna à réfléchir sur notre téméraire entreprise. Le soir, nous fûmes témoins d'un tumulte agressif qui paraissait être dirigé contre nous. Nous apprîmes bientôt que le prêtre en était la cause. Il paraît que dans un voyage précédent, quelques Kabyles avaient eu à se plaindre de lui.

"Cet incident, qui paraissait devoir se renouveler plusieurs fois, nous inspira un moment l'idée de revenir sur nos pas, mais les matelots étaient résolus et nous continuâmes notre hasardeux entreprise.

"A mesure que nous avancions, notre troupe s'augmentait d'un certain nombre de Kabyles qui désiraient aller à Alger pour y travailler en qualité de marins et qui n'osaient pas entreprendre seuls se dangereux voyage.

"Le troisième jour, nous campâmes en plein air, à l'entrée d'une forêt. Les arabes allumèrent un grand feu en forme de cercle et se placèrent au milieu. Vers onze heures , je fus réveillé par le bruit que faisaient les mules essayant de briser leurs liens. Je m'informai de la cause de ce trouble. On me répondit qu'une Sebâa était venue roder dans le voisinage. Je ne savais pas alors qu'une sebâa était un lion et je me rendormi.

"Le lendemain, en traversant la forêt, les dispositions de la caravane furent changée, elle était groupée dans le plus petit espace possible, un Kabyle était à la tête, son fusil prêt à faire feu, une autre était à l'arrière dans la même position. Je demandai au propriétaire de ma mule la cause de ces précautions, il me répondit que l'on craignait l'attaque d'une Sebâa et, que si cela arrivait, un de nous serait enlevé avant d'avoir le temps de se mettre sur la défensive.

-Je serai, lui dis-je, plutôt spectateur qu'auteur dans cette scène, en conséquence, je vous donne deux piastres de plus si vous tenez toujours ma mule dans le centre du groupe.

"Ma proposition fut acceptée. Précautions inutiles, la sebâa ne se montra pas.

"Chaque village formait une petite république, ne pouvait être traversé sans une permission d'un passe-port du prêtre mahométan. Celui qui conduisait notre caravane avait l'habitude de nous laisser dans les champs et quelquefois à une grande distances du village, pendant qu'il allait solliciter la permission sans laquelle, il eût été dangereux de continuer notre route. Il restait ainsi des heures entières sans revenir, et, dans ces occasions, nous avions le temps de réfléchir amèrement sur l'imprudence que nous avions commise!

"Nous couchions habituellement au milieu des habitations. Un jour, nous trouvâmes les rues d'un village barricadée? Parce que les habitants craignaient une attaque d'un village voisin. Le premier homme de notre caravane éloignait les obstacles, lorsqu'une femme sortit de chez elle comme une furie et tomba sur nous à coups de bâton. Nous remarquâmes qu'elle était d'une blancheur éclatante et très belle. Cette agression d'ailleurs n'eut pas de suite.

"Une autre fois, nous nous arrêtâmes dans un lieu désigné sous le beau nom de Caravansérail. Le matin, quand le soleil se lava, des cris: Roumi, roumi! Nous avertirent que nous avions été découverts. Le matelot Méhémed entra d'un air mélancolique dans le lieu où nous étions réunis et nous fit comprendre que les cris de Roumi! Vociférés dans cette circonstance équivalaient à une sentence de mort.

-Attendez, dit il, je crois avoir trouvé un moyen de vous sauver.

Méhémed revint quelques instants après, nous dit que son moyen avait réussi et m'invita à me joindre aux Kabyles pour faire la prière.

"En conséquence, je sortis et, me prosternant vers l'est, j'imitai minutieusement ce que je voyais faire autour de moi, prononçant les mots sacrés:

-La Illaha Ila Allah Mohammed Rassoul Allah.

C'était la scène de Mamamouchi du Bourgeois Gentilhomme, que j'avais si souvent vu jouer par Dugazon, avec cette différence que cette fois elle était loin de me faire rire. Après avoir fait cette profession de foi devant les Mahométans. 

-Il n'y a qu'un Dieu et Mohammed est son prophète.(Dans l'original les mots et noms arabes sont souvent mal orthographiés).

"Si le Mufti en avait été informé, je devenais inévitablement musulman et, il ne m'aurait plus été permis de sortir de la Régence.

"Je ne dois pas oublier de relater par quel moyen Méhémed nous avait sauvés d'une mort inévitables.

-Il y a, dit-il, aux Kabyles, deux chrétiens dans la caravane, mais ils sont mahométans de coeur, et ils vont à Alger pour se faire adopter par le Mufti dans notre sainte religion. Vous n'en douterez pas quand je vous aurai dit que moi-même, j'ai été esclave des chrétiens et qu'ils m'ont racheté de leurs propres deniers.

-In châ Allah! s'écrièrent-ils tout d'une voix et c'est ainsi qu'eut lieu la scène que je viens de raconter. "Nous arrivâmes en vue d'Alger le 5 décembre 1808? Nous laissâmes derrière nous les propriétaires de nos mules, pour attendre la ville avant la fermeture des portes. A notre arrivée, nous apprîmes que le Dey à qui nous devions notre première délivrance, avait été mis à mort.

"Un garde du palais, que nous rencontrâmes, nous demanda d'où nous venions. Nous répondîmes que nous venions de Bougie par terre.

-Ce n'est pas possible, s'écria le janissaire, le Dey lui-même n'oserait entreprendre un pareil voyage.

"Nous lui répondîmes que nous reconnaissions avoir commis une grande imprudence, que nous n'entreprendrions pas le même voyage pour des millions, mais que ce que nous venions de déclarer était l'exactes vérité.

"Arrivés à la maison consulaire, nous fûmes comme la première fois très bien reçus. Nous y reçûmes la visite d'un Drogman (interprète), envoyé par le Dey, qui nous demanda si nous persistions à maintenir que Bougie avait été notre point de départ, et, non la cap Matifou ou quelques localité voisines. Nous affirmâmes encore la vérité de notre récit, qui fut confirmé le lendemain par les propriétaires de nos mules.

"Le Dey régnant, successeur de celui qui avait été mis à mort, avait autrefois rempli dans la mosquée les fonctions d'empileur des corps morts, il gouvernait la Régence avec bienveillance, ne s'occupant guère que de son harem. Cela dégoûta ceux qui l'avaient élevé à ce poste éminent et, ils résolurent de s'en débarrasser.

"Nous fûmes avertis du danger qui le menaçait, en voyant les cours et les vestibules de la maison consulaire, selon la coutume dans de telles circonstances, envahis par les Juifs, portant avec eux ce qu'il avaient de plus précieux.

"C'était la règle à Alger, que tout ce qui arrivait dans l'intervalle, compris entre l'exécution du Dey et l'installation de son successeur n'était pas déféré à la justice et restait impuni. On put s'imaginer alors pourquoi les enfants de Moïse cherchaient leur sûreté dans les maisons consulaires et chez les Européens qui, aussitôt que le danger était apparent, avaient le courage de s'armer pour leur propre défense.

"Pendant que l'infortuné Dey, épileur, était conduit vers le lieu où il devait être pendu, il entendit le canon qui annonçait sa mort et l'installation de son successeur.

-Ils sont pressés, dit-il, que gagnerez-vous en vous portant à ces extrémités. Envoyez moi dans le Levant, je vous promets de ne plus revenir. Qu'avez à me reprocher?
-Rien, que votre nullité, répondit l'escorte, et on ne peut admettre qu'un homme vive comme un simple particulier après avoir été Dey d'Alger.

"Malgré ses supplications, l'infortuné périt par la corde.

"Nous devions rester plusieurs mois à Alger, j'en profiterai pour donner quelques détail sur les meurs des habitants, avant l'occupation de la Régence par les Français, car cette occupation a grandement modifié les moeurs et les coutumes de la population algérienne.

"Les esclaves qui remplissaient les prisons appartenaient principalement à trois nations:

-Portugais ? Napolitains ? Siciliens.

"Parmi ces deux dernières, il y avait en 1802, les partisans de Murat et ceux de Ferdinand de Naples."Vers le commencement de l'année, un Drogman vint au nom du Dey prier Monsieur Dubois Thaiville, de se rendre de suite à la prison où les amis des Français et leurs adversaires se livraient un combat furieux. L'arme dont ils se servaient était la lourde chaîne attachée à leurs jambes. Ce fut pas sans peine qu'on parvint à les calmer.

"Chaque Consul avait un janissaire comme garde. Celui appartenait au Consul Français. Il avait été nommé la Terreur. Lorsque quelque nouvelle défavorable à la France était annoncée dans les cafés, il venait au Consulat s'informer de la réalité du fait, et quand on lui apprenait que d'autres janissaires avaient répandu de fausses nouvelles, il retournait vers eux et là, le yatagan en main, il se déclarait prêt à entrer en luttes avec ceux qui maintiendraient la vérité du fait.

"Comme ces combats continuels pouvaient le mettre en danger, nous aurions désiré lui apprendre le maniement des armes, mais en duel, il ne voulait d'autre arme que le yatagan.

"Voyant avec quelle facilité les Deys disparaissaient, je dis un jour à un janissaire:

-Avec cette perspective devant vos yeux, consentiriez vous à devenir Dey?
-Oui, sans doute, répondit-il, vous semblez ne compter pour rien la plaisir de faire toutes ces volontés, ne serait-ce qu'un seul jour!

"Quand nous voulions faire une promenade dans Alger, nous avions soin généralement de nous faire escorter par le janissaire attaché à la maison Consulaire. C'était le seul moyen d'échapper aux insultes, aux affronts et même aux actes de violence!

"Je viens de dire que c'était le seul moyen, je me trompe, il y en avait un autre: c'était d'aller en compagnie avec un Lazariste Français, âgé de soixante ans et dont le nom, si j'ai bonne mémoire était Frère Joseph. Il habitait le pays depuis un demi siècle.

"Cet homme, d'une vertu exemplaire, s'était dévoué, avec un admirable désintéressement, au service des esclaves de la Régence. Il ne faisait aucune distinction de nationalité: Portugais, Napolitains, siciliens, tous étaient également ses frères.

"Le temps d'épidémies, on le voyait, jour et nuit, portant secours aux musulmans. Cette vertu lui avait conquis tous les coeurs et, chaque fois qu'il pouvait lui et les personnes qui l'accompagnaient, recevaient des gens du peuple, des janissaires et même des officiers de la Mosquée, les plus respectueuses salutations!

"Je crois devoir raconter ici, mot à mot , une conversation que j'eus avec Raïs Braham, dont le père était un fin Turc, c'est-à-dire un Turc né dans le Levant.

-Comment consentez-vous, lui dis-je à vous marier avec une jeune fille que vous n'avez jamais vue et trouver, peut-être une femme excessivement laide, au lieu de la beauté que vous espériez!
-Nous nous marions jamais, dit il sans avoir pris des informations auprès des femmes qui lui servent de domestiques dans les bains publics.
-Combien avez-vous de femmes légitimes?
-J'en ai quatre, c'est-à-dire le nombre autorisé par le Coran.
-Vivent-elles en bonne intelligence?
-Ah! Monsieur, ma maison est un enfer, je n'y entre jamais sans les trouver sur le pas de la porte, où chacune veut être la première à me faire entendre des plaintes contre ses compagnes.
-Je vais proférer un blasphème, mais je crois que votre sainte religion devrait prohiber la pluralité des femmes à ceux que ne sont pas assez riches pour leur donner des appartement séparés.
-Mais, puisque le Coran vous permet de répudier même les femmes légitimes, pourquoi n'en renvoyez-vous pas trois à leurs parents.
-Pourquoi! Parce que ce serait ma ruine. Le jour du mariage, le père de la jeune fille fixe une dot dont la moitié doit être payée, l'autre moitié peut-être exigée le jour où la femme est répudiée. Ce serait ainsi trois demi-dots que je devrais payer si j'en renvoyais trois. Je dois cependant rectifier ce que j'ai déjà dit, que mes quatre femmes ne peuvent jamais s'entendre. Elle s'accordèrent un jour dans le sentiment d'une haire commune. En allant au marché, j'avais acheté une négresse. Le soir, en rentrant pour me reposer, je m'aperçus que mes femmes ne lui avaient pas préparé de couche, et que la malheureuse fille était étendue sur le sol. Je lui fis une sorte d'oreiller avec quelques vêtements. Le lendemain, les cris de la pauvre esclave me firent courir vers elles, et, je la trouvai presque mourante, sous les coups de mes quatre femmes. Pour une fois, elles s'étaient merveilleusement bien entendues.

"En 1809, au mois de février, le nouveau Dey, successeur de l'épileur, réclama peu de temps après être entré en faction, deux ou trois cents milles francs, je ne me rappelle pas exactement la somme, qu'il prétendait lui être due par le Gouvernement Français. Monsieur Dubois Thainville répondit qu'il avait reçu l'ordre de l'empereur de ne pas donner un centime.

"Le Dey, furieux, se décida à nous déclarer la guerre. Une telle déclaration devait être à Alger, suivie de l'arrestation de tous les étrangers. Cette fois, les mesures ne furent pas poussées à une pareille extrémité."Nos noms devaient figurer sur la liste des esclaves de la Régence; mais, pour ce que me concerne, je restais libre dans la maison consulaire. Au moyen d'une garantie pécuniaire, consentie par le Consul Suédois, Monsieur Norderling, il me fut permis d'habiter sa maison de campagne située près du fort l'empereur.

"L'événement le plus insignifiant suffisait pour modifier les idées de ces populations barbaresques. J'étais un jour à dîner chez Monsieur Dubois Thainville, quand le Consul anglais, Monsieur Brankley arriva en grande hâte pour annoncer à notre Consul l'entrée dans le port d'un navire français.

-Je ne veux pas, dit -il, avec une générosité mêlée d'orgueil abuser des droits de la guerre, je vous annonce, mon cher collègue que je rendrai la liberté à vos prisonniers sur le reçu de la délivrance d'un égal nombre d'anglais détenus en France.
-Je vous remercie répondit Monsieur Dubois Thainville, mais je n'en déplore pas moins l'événement qui retardera indéfiniment, peut être le règlement du compte dans lequel je suis engagé avec le Dey.

"Pendant cette conversation, armé d'un télescope, je regardais par la croisée de la salle à manger, essayant de me persuader que le vaisseau capturé n'étais pas de grande importance. Mais il fallut bien me rendre à l'évidence, car le navire était armé d'un grand nombre de canons.

"Tout à coup, le vent ayant déployé les pavillons, j'aperçus avec surprise le drapeau Français, au dessus du drapeau Anglais. J'en fis part à Monsieur Brankley. Il me répondit immédiatement:

-Vous ne prétendez pas sûrement mieux observer avec votre mauvais télescope que je ne l'ai fait moi-même.
-Et, prétendez vous lui dis-je, à mon tour y voir mieux qu'un astronome de profession! Je suis sûr de ce que je dis.

"Je demandais à Monsieur Dubois Thainville la permission d'aller à l'instant visiter cette prise mystérieuse et voici ce que j'appris:

"Le Général Duhesme gouverneur de Barcelone, désirant se débarrasser de la portion la plus indisciplinée de sa garnison, en forma la principale partie de l'équipage d'un vaisseau dont il donna le commandement à un lieutenant de Babestro, célèbre corsaire de la Méditerranée.

"Le vaisseau quitta Barcelone la nuit; et, après avoir échappé à la croisière anglaise? rencontra à l'entrée du port de Mahon un vaisseau anglais. L'abordage eut lieu, et, après un combat terrible, le vaisseau anglais fut capturé. C'est ce vaisseau qui venait d'arriver à Alger.

"Le même jour, les blessés furent transportés chez Monsieur Brankley. Cette opération s'exécuta avec une certaine cérémonie qui modifia, quoique légèrement les sentiments du Dey à notre égard. Ces sentiments devinrent encore plus favorables dans une autre circonstance.

"Un jour, une corvette fut aperçue à l'horizon, elle était armée d'un grand nombre de canons et se dirigeait vers le port d'Alger. Immédiatement après apparut un brick anglais qui marchait à pleine voile. Un combat paraissait inévitable et toutes les terrasses de la ville étaient couvertes de spectateurs.

"Le brick paraissait être meilleur voilier et ne devait pas tarder à rattraper la corvettes. Mais cette dernière manoeuvra comme pour aller au devant du combat. Le vaisseau anglais prit la fuite et la corvette se dirigea encore une fois sur Alger où elle avait probablement une mission à remplir. Le brick changea aussi de direction, mais en se tenant toujours hors d'atteintes, et les deux vaisseaux arrivèrent successivement dans le port où ils jetèrent l'ancre, au grand désappointement de la population algérienne qui avait espéré assister, sans danger, à un combat entre les chiens de chrétiens appartenant à deux nations également détestables au point de vue de la religion. Mais des éclats de rires se firent entendre de tous côtés, quand on vit que la corvettes était arrivée avec des canons de bois. Les matelots anglais étaient furieux contre leur capitaine.

"J'ai très peu de choses à dire en faveur des algériens, je dois donc faire acte de justice en mentionnant que la corvette partit le lendemain pour les Antilles, sa destination, et, qu'il ne fut permis au brick de mettre à la voile que le jour suivant.

"Le juif Bakri, un des plus riches commerçant d'Alger, venait souvent au consulat français pour parler de nos affaires avec Monsieur Dubois Thainville:

-Qu'attendez vous? Disait le Consul, vous êtes algérien, vous serez la première victime de l'obstination du Dey. Quand vos vaisseaux chargés de coton arriveront à Marseille, ils seront immédiatement confisqués, c'est à vous de juger, s'il ne serait pas plus convenable de payer la somme réclamée par le Dey, que de vous exposer à une perte dix fois plus forte!

Bakri s'y décida enfin.

"La permission de partir nous fut aussitôt accordée. Nous nous embarquâmes le 21 Juin 1809 à bord d'un vaisseau sur le quel Monsieur Dubois Thainville et sa famille étaient passagers.

Nous terminons ici le récit d'Arago, qui ne débarqua à Marseille que le 21 Juillet, c'est à dire après une traversée de douze jours, alors qu'elle peut se faire aujourd'hui en vingt-quatre heures.

Bornée au nord par la Méditerranée, au sud par un immense désert, l'Algérie n'avait à l'arrivée des français pour toutes voies de communication que des sentiers souvent impraticables; pas de pont sur les rivière qui formaient ainsi, dans la saison des pluies des barrière infranchissables. 

Partout des hostilités impossibles à réprimer, non seulement entre les tribus voisines, mais entre les villages d'une même tribu. L'autorité éphémère du Dey, dont le pouvoir dépendait du caprice des Janissaires, corps redoutables comme l'étaient les Strélitz en Russie, avant Pierre le Grand, tel était le pays dont la France allait entreprendre la conquête.

Si à tout cela, on ajoute un fanatisme porté au plus au degré, n'admettant d'autre religion que celle du Coran?

Considérant le meurtres d'un chrétien comme un actes méritoire, méprisant la mort parce qu'elle ne devait arriver qu'au moment fatal prescrit par Dieu; l'enivrante perspective d'un bonheur éternel dans un paradis peuplé de houris d'une beauté incomparables. On comprendra ce que cette conquête devait coûter à la France?

D'autre part, nos braves soldats n'avaient pas seulement à combattre une population guerrière et fanatique? Mais, encore à lutter contre un climat meurtrier qui devait les décimer. Mais ainsi, qu'elle pépinière de héros! 

Toutes nos illustrations militaires contemporaines sont sorties de cet immense champ de batailles; et ce n'est pas sans orgueil que l'on entend dire partout que le sol Algérien a été fécondé par le sang de nos soldats?

L'algérie d'aujourd'hui ne ressemble en rien à celle de 1830. Des routes magnifiques, des chemins de fers, des ponts sur les cours d'eau! Des villes qui rivalisent en beauté avec celles de la Métropole? Des ports où peuvent s'abriter les plus forts navires, des bureaux de postes dans les plus petites localités, reliés en outres par des bureaux télégraphiques, des barrage pour la captation des eaux, des puits artésiens dans le désert, etc, etc...

Tels sont les résultats de cette conquête qui a fait de l'Algérie, une seconde France.

Certes, il y a encore beaucoup à faire, mais cela ne doit pas nous empêcher de reconnaître que ce beau pays a été complètement transformé; et les arabes qui gémissaient sous la domination turque, ne peuvent que bénir l'occupation française!

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