L'espace des villes
(Gérard Rodriguez)
Il faut comprendre que celui qui n’a pas de passé, et ne s’en rappelle pas, n’a pas à mon avis d’avenir, car parler et se rappeler de son passé c’est aussi savoir qu’on a en nous, acquis une belle connaissance des choses, du monde, et des gens. Parler de nos souvenirs même s'ils sont douloureux, et les mettre sur papiers, peut faire penser que nous sommes tombés dans une souffrance dont on ne peut sortir. Cela est faut, s’il est vrai que ce que parfois j’écris est triste, il en demeure pas moins que je ne raconte que ce qui fut et pour moi ce qui fut, a été beau, magique, je parle d’une période où nous les pieds noirs avec nos défauts et qualités, étions une véritable société, une véritable civilisation à part entière de par notre diversité culturelle, notre langage, nos coutumes, et notre façon de vivre, et si à l’école on nous apprenait, notre pays la France, il faut bien reconnaître que la France c’était bien loin, et d’ailleurs lorsque en France pour notre malheur il a fallut y aller, pour moi je me retrouvais à l’étranger.
Ce qui a fait de moi ce que je suis, un pied noir avec une éducation, une structure, et des valeurs je le dois à la belle éducation reçue de mes parents qui tout en étant des gens simples m’ont inculqué la vie. Et parfois à coup de coups de pieds au cul ou de claques sur la figure. Cela ne m’a pas tué bien au contraire je les en remercie, car quand on disait, à table pour manger ce qui s'y trouvait, ça ne se discutait pas, ou on se prenait une tréaa, et quand notre père y nous donnait une tréa on le trainait pas en justice comme font les enfants maintenant car on s’en reprenait une autre, de toute façon ça ne nous aurait même pas venu à l'esprit, mais comme la famille se faisait bien présente, et nous donnait à chaque regard de l'amour; alors tout se transformait, en féerie.
J'ai souvent entendu dire des pieds-noirs, "je donnerais tout ce que j'ai pour retrouver l'Algérie de notre enfance" j'ignore jusqu'où ils sont sincères , car c'est eux qui le disent, eh oui !! Mais moi je peux le dire, car je sais que cela est vrai, ce qui me permet de continuer le chemin, c'est cette belle vie que j'ai eu en Algérie, dans mon pays, car l'Algérie c’est mon pays, c’est ma patrie, sans aucun doute une vie pauvre, de pauvreté, mais tellement entourée d'amour, où la famille voulait dire LA FAMILLE, où nous avions des dizaines d'oncles et de tantes et de cousins, même si des fois c'était pas des vrais, mais on les appelaient, tonton et tata, et ça nous prenait dans leur bras.
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Quand je vois les enfants d'aujourd'hui tout ce qu'ils ont comme cadeaux, je me dis en bon citoyen canadien que je suis devenu sur papier, "tabarnacle!! sa s'peut tu?" j'en avais pas le centième , mais moi je me rappelle de mes jouets, comme si c'était hier, car j’en ai pas eu beaucoup et encore je sais que ma maman mon jouet de Noël elle l'achetait à crédit en rognant tous les autres mois de l'année sur les sous pour la nourriture. Pour que nous ayons aussi un jouet à montrer dans la rue le lendemain de Noël. Je regarde les enfants maintenant, au bout de une semaine, tout est brisé et relégué dans un coin, j'ai un grand cri "où es tu mon enfance? Où es tu mon Algérie?".
Vivant au Canada, je voyage aux USA comme je le veux pour mon travail, je vois les plus beaux endroits, la grandeur de la nature, les plus beaux parcs, yosémite etc etc, les plus beaux états, Utah, Arizona, Colorado, Nevada, Californie, Louisiane, etc etc. Nommez les, je connais tous ces coins qui font rêver. Les plus grandes villes (Los- Angeles, Las Vegas, San-Francisco) etc etc etc, je les connais aussi. Et ouaiéé ça me fait pas oublier le pataouette! MAIS ma plus belle ville, elle se trouve, au fond de moi, c'est BÖNE! Et quand j’en parle ou que je la nomme, je sens ses odeurs, je ressens le vent, le sirocco, et j'entends ma mère dire "les enfants, fermez la fenêtre, que le sable y va me rentrer". Vous rappelez vous de la citerne qui passait vers 7 h du matin l'été et qui nous envoyait une espèce de vapeur, épaisse comme de la fumée et on ouvrait toute grande la maison, car ça détruisait les moustiques, et ça avait une bonne odeur, alors, laisse qu'on s'la respire à plein poumons, va savoir si on s'intoxiquait pas, mais!!! Je revois ma maman qui était toute petite, sur le cour Bertagna quand on s’y promenait en mangeant un créponet avec sa belle robe à fleurs bleu et pleine de fronçages qui se soulevait comme des vagues sur la mer à chacun de ses pas. On aurait crue que ma maman elle marchait pas, elle volait tant elle était belle. Je revois Sidi-Djemil où on allait avec le side-car, on passera par Duzerville et Mondovi. Et le pont au dessus de la Seybouse où on allait pêcher des mulets gros comme des sous marins…
Vous rappelez vous aussi des haricots de mer, on allait avec mon père les faire aux Salines; ma mère les faisait sauter avec de l'ail et du persil, aie aie des fois il y avait encore du sable dedans. Et les chips et merguez de la Grenouillère, c'est un nommé REDZIN qui les faisait oui je me rappelle il y avait une grande friteuse ronde noire pleine d’huile, et ils jetaient les chips dedans et les remuaient avec une large cuillère, et les gens attendaient tout autour, il y avait des gens assis sur la terrasse aux tables, car on allait aussi à la Grenouillière les soirs d'été et mon père nous achetait des grands cornets de chips, et on les mangeait tout en suivant le bord de mer de la petite plage de la Grenouillère, et en écoutant dans la nuit douce de l’été, les vagues qui venaient mourir sur la plage, et les vagues, elles faisaient des, pschiiiitttt, pschiiiittt, le ciel était d’un noir bleuté remplit d'étoiles, magnifique, et mon père me disait (regarde, là tu vois c’est la grande ours, là c’est la poêle), et une fois en 1957 il m’a dit (regarde, regarde un spoutnik, dedans ya une chienne, surnommée Laika que les russe ont envoyés, en l'air). Et on voyait bien un point brillant qui avançait vite dans le ciel.
Parler de nou"zz austtressss et je me dis "po po po po, ah oui, je me rappelle de tout, c’est facile quand toute notre enfance à été baigné de bonheur, que j’étais heureux là-bas", chez moi en Algérie, oui, les jours heureux chez moi en Algérie, à Bône.
P.S= à l'inverse de tous ces trous de cul qui en 2009 à la tv, à la radio, qui font de grandes phrases, mais vides de sincérité; mes écritures sont de coeur et de passion, et je n’attends aucune reconnaissance, je ne suis pas un écrivain qui attend le prix con court (jeu de mots) je ne fais que dire ce que je ressens, et je n'ai qu’un certificat d'études et pourtant, avec ma valise en 1976 (pour la deuxième fois) j’ai traversé l'atlantique et réussit, car un pied noir c’est fait de gloire et de courage.
Ce soir je dédie cet humble papier à tous mes compatriotes pieds noirs et algériens.
Gérard