L'espace des villes
(Gérard Rodriguez)
En ce temps là "il y avait"....PETITE HISTOIRE DES JOURS HEUREUX ..... Jeannot (papa) travaille à la centrale électrique comme chaudronnier, Louise (maman) à la maison, au début on habitait 11 rue du docteur mestre, il y avait une grande cour rectangulaire et des appartements, c'était un peu la cour des miracles. On avait le premier logement sur la gauche 2 pièces et un coin cuisine, c'était pauvre mais on avait de l'amour, c'était dans le temps, quand le mot famille disait encore quelque chose, le soir ma mère nous faisait du vin chaud à la cannelle ça à l'air que ça guérissait bien des choses, et avant d'aller à l'école elle nous passait le peigne dans les cheveux pour les poux!
Et puis sont arrivés les deux premiers enfants, Charley 1 et Charley 2 mort de maladie à 6 mois et 1an et demi enterrés à Bône, ensuite il ya eu les 3 "mousquetaires " Hubert, Gérard, Mimi et bien plus tard à la villa ma soeur, Marie-Thérèse. On a déménagé à la villa en 56 à peu près, à la cité montplaisant vers la ménadia tout près de la fontaine romaine et là c'était le paradis car on quittait ce que l'on appelait "la vieille maison".
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Toutes ces villas appartenaient à des gens qui travaillaient à la centrale électrique, en ce temps là mon père gagnait je crois 85 000 (anciens francs), on est loin du colon riche dont nous affublent les français: on avait pas le téléphone, pas de TV (pour nous abrutir). NON on avait plus, ma mère faisait ce qu'elle pouvait pour nous nourrir, je me rappelle, on disait "où est la viande?". Elle répondait "mange tes pâtes et tu trouveras la viande", car la viande était rare, puis mon père s'est mit à aller à la chasse au sanglier, canards et perdrix et ça a amélioré notre affaire, on allait à la pêche. MOI toujours derrière le cul de mon père, oui à la pêche au lever de l'aurore et putain, on en a sortit des sars et des daurades et des saupes et des loups, on allait aux seiches au trou carré.
Le soir sur le balcon de la villa on regardait les étoiles et mon père nous chantait des chansons: du style "de gabès a tataoui i ne etc etc". L'été on allait à la plage, à St Cloud, gassiau, toche etc. Le soir aussi lorsqu'il faisait bon, l'été on allait marcher le long de la corniche de St-cloud avec d'autres voisins et nous, les enfants on montaient et descendaient les escaliers qui mènent à la plage, et ma mère qui criait "remontez, vous allez vous casser les cornes" AH oui PAUVRE: mais heureux, j'allais à l'école de beaus'jour, tablier gris pour tous, maintenant les enfants c'est des cartes de mode, et on voit ce que ça donne. Mon prof s'appelait LANASPRE très méchant, en ce temps là on bougeait pas, ou on se prenait une tréaa.
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On se faisait des brochettes avec des frisures de moutons (6 francs le KG, je me rappelle) et chacun payait un peu de sa poche, l'anisette coulait à flot et on riaient et on riaient, il y avait "Barkat" une grosse femme algérienne qui était souvent à la maison car amie de ma mère et elle nous prenait sur ses genoux et nous chantait des chansons en arabes (dont on comprenait rien !) Mais qu'on trouvait très belles de par la mélodie et bon sang elle nous faisait des makrouts à mourir de plaisir et des zabia et les beignets,"BARKA, MA CHERIE, où que tu sois, on t'a aimé, on t'aime, et on t'aimera toujours". A pâques on faisait les couronnes et on se les échangeaient avec les voisins, je regardais ma mère pétrir la pâte avec sur elle, un tablier à 2 francs, plein de grosses fleurs et elle chantait "je t'ai donné mon coeur, tu tiens en toi tout mon bonheur", une chanson de ce temps là HEUREUX!
Dehors il pleuvait, je plaçais des pièges pour attraper des moineaux, que ma grand-mère plumait pour faire cuire. On jouait aux billes aux osselets, avec des noyaux d'abricots, quiksse, pas quiksse tête, pas tête je me rappelle, de ces expressions aux billes, on jouait avec ma grande cousine à la marchande, on faisait avec de la glaise des gâteaux que ma cousine RENEE vendaient et nous les petits on faisaient les acheteurs, voilà, en gros l'histoire de la famille rodriguez, au temps des jours heureux (qui est sans doute, l'histoire de bien des pieds-noirs de ces temps là).
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Maintenant, le temps à passé, j'ai grandis, 56 ans dans mon coeur je n'ai pas honte de le dire, je suis resté celui que je viens de décrire, mais pour survire j'ai dû m'endurcir, oublier mes petits poings d'enfant qui jouaient aux billes à BÔNE et devenir un BOSS au canada, gérer, régler, trancher, décider, faire tourner une machine, pour toujours plus de dollars. Bref je suis, ce que pour survire j'ai dû être et on me flatte, me félicite, m'envie! Même, j'ai réussit à être "QUELQU'UN". Mais ces couillons qui me voient de la sorte n'ont RIEN comprit, CAR AU FOND DE MOI, EST RESTE ? GERARD CELUI QUI JOUAIT AUX BILLES À BÔNE et cela jamais je le renierais, mais bon il faudrait faire une autre histoire. MERCI d'avoir prit le temps de lire, prenez le comme un cadeau pour, le temps, BA,BA,BA,BA, "qu'est ce qu'on était HEUREUX ".
Gérard